ABAISSÉ OU ELEVÉ ?

Luc 18, 9 à 14

Dimanche, il y a deux semaines, dans le même évangile de Luc, il était question de la vie éternelle. Jésus marchait vers Jérusalem, et une personne en chemin lui avait posé cette question, « Seigneur, est-ce que Dieu va sauver seulement un petit nombre de gens ? »
Aujourd’hui, ce n’est peut-être pas la vie éternelle, mais comment être accepté par Dieu, comment être sûr qu'il approuve tout ce que nous faisons ? Cette interrogation reste d'actualité, car au sein même du christianisme, il y a encore ceux qui se persuadent eux-mêmes d’être justes et qui méprisent les autres, en affirmant « Je fais ce qu’il faut, et voyez ce que font les autres ! »

La véritable question demeure, comment être ajusté à Dieu ?

Le récit de Luc que nous venons d’entendre ne laisse personne dans l’incertitude, il indique bien que c’est le péager qui est rentré chez lui justifié, en grec δικαιος, c’est-à-dire approuvé ou accepté de Dieu.
En effet, dans le texte, Jésus prend position et approuve le péager : « Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre, car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé »

Mais pourquoi Jésus n’approuve-t-il pas le pharisien, pourtant un religieux ?

On le devine dans l'attitude de ce dernier, debout, il prie en lui-même, content de lui. Persuadé qu’il ne peut qu’être accepté de Dieu pour ses bonnes actions, il n’attend plus rien de lui. Dans sa façon de faire, il ne s’adresse pas à Dieu pour demander quelque chose comme ceux qui sont dans le besoin, il rend juste grâce de ne pas être comme les autres. Sa prière n'est pas un remerciement, et pour cela Dieu est le témoin muet de sa réussite.
Autrement dit, c’est à lui-même qu’il rend grâce, il s’écoute parler. Si la prière est un dialogue ou une relation, son discours n’est pas une prière, c’est un monologue dans lequel il se convainc lui-même de sa propre justice. Il y a néanmoins des raisons de ne pas douter de sa sincérité, rien ne permet de mettre en doute ses déclarations.
Mais alors qu’est-ce qui ne va pas ?

C’est sans doute son rapport avec les autres, car en énumérant ses mérites, il écrase tous ses prochains pour se présenter valorisé devant Dieu, ainsi prêt à lui parler d’égal à égal.
On voit bien qu’il a accumulé les actes plaisant à Dieu, tel un trésor de guerre, en vue du jugement. Il n’a pas compris que la justification est la restauration des relations avec Dieu et avec le prochain.

En lisant ce texte, ça reste difficile de nous identifier au pharisien, car nous avons appris au regard de la théologie la justification par la foi. « Nous sommes sauvés par la foi ».
Cependant nous risquons également de déprécier les valeurs auxquelles il tient : l’honnêteté, la fidélité.
C’est pourquoi, dans cette parabole, Jésus n’accuse pas le pharisien de mentir, il constate seulement qu’il n’atteint pas son but : Le pharisien était monté au temple pour rencontrer Dieu, il n’a finalement trouvé que lui-même. Il s’est trompé en fondant sa prétention sur le mépris de l’autre et en se persuadant qu’il est juste.

Si le péager a été justifié par sa conduite, ne nous y trompons pas, il n’était pas fier de son péché. Il se frappait la poitrine, il ne venait pas chercher des excuses, ou développer une théorie qui aurait justifié ses actes. Il avait honte devant Dieu et devant les hommes, c’est bien pour cela qu'il se faisait tout petit au fond du temple. Il n’a pas essayé, pour se disculper, de dire du mal des pharisiens. Il s’est simplement placé devant Dieu, comprenant ainsi que Dieu est l'unique juge, que lui seul peut gracier. C’est pourquoi, il appelle, il supplie, sans se faire d’illusion sur lui-même. Il attend tout de la grâce de Dieu, il n’a rien à faire valoir, il a tout à recevoir.

Le récit ne nous dit rien de la suite, notamment comment le péager a ressenti cette grâce de Jésus. Nous le comprenons avec l’histoire de Zachée, cet autre péager, qui nous est contée un peu plus loin, nous proposant un dénouement possible. En effet, après avoir rencontré Jésus, Zachée fait don aux pauvres de la moitié de ses biens, et s’engage à réparer ses torts.

Zachée fait mieux que le pharisien avec sa dîme, parce qu’il ne le fait pas pour être justifié, mais parce qu’il a été justifié. En Jésus Christ, la grâce de Dieu pousse l’homme vers son prochain. C’est donc par la faveur de ses relations avec son sauveur que le gracié n’a qu’un désir : Vivre d’une manière qui plaise à Dieu. Son éthique ne sera donc jamais une manière de se justifier, ou de se glorifier, surtout aux dépens des autres, mais toujours une conséquence de sa foi.

Nous pouvons prendre aussi l’exemple de l’apôtre Paul : Avant sa conversion, il était l’exemple parfait du religieux prisonnier de son savoir. Pour lui, Jésus ne correspondait pas au profil du Messie, il était l’homme à combattre. Il pourchassera d’ailleurs les chrétiens, jusqu'à ce que Jésus se révèle à lui. Le bouleversement est énorme ! Il est touché dans toute sa personne par la révélation du Christ. Le changement sera radical !

L’engagement de Paul sera alors tout autre, un engagement total au service de l’Eglise, et plus particulièrement au service des païens !
« Je suis le moindre de tous les croyants ; pourtant, Dieu m’a accordé cette faveur d’annoncer aux non-Juifs la richesse infinie du Christ. Je dois mettre en lumière, pour tous les humains, la façon dont Dieu réalise son plan secret. » Ephésiens 3:8-9
Paul réalisera ensuite cet amour infini de Dieu, et parcourra le monde pour l’annoncer. Tout ce qu’il fera découlera de cet amour et non plus de la logique du mérite.

Aujourd'hui, qu’est-ce que cette parabole veut nous dire d’une manière implicite ?
Que Dieu s'adresse aussi à nous pour nous empêcher de nous laisser endormir par nos certitudes ?
Que nous devons également demeurer humbles avec le Seigneur, car l’espace est fin, malgré notre vigilance, entre l'humilité et le risque de devenir semblable à un religieux au-dessus des autres si l’orgueil gagne notre cœur ?

 

Luc 18, 9 à 14

Il dit encore cette parabole, adressée aux personnes persuadées d'être justes et ne faisant aucun cas des autres.
Deux hommes montèrent au temple pour prier, l’un était pharisien, l’autre péager.
Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même, « O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce péager. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus ».
Le péager, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux au ciel, il se frappait la poitrine, en disant, « O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur ».
« Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifiée, plutôt que l’autre, car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé ».