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- Créé le dimanche 2 novembre 2014 19:52
LES INTERMEDIAIRES NOUS ELOIGNENT DE DIEU
Matthieu 23, 1 à 12 – Malachie 1, 14 à 2, 10 – 1 Timothée 2, 1 à 7
Il est étonnant de remarquer, dans les évangiles, la façon dont Jésus parlait aux Pharisiens ; et comment, dans ce texte de Matthieu, il parlait des Pharisiens. Pourquoi tant de sévérité ? Fallait-il que ces gens soient si condamnables !
Mais qui étaient les Pharisiens ?
Les Pharisiens sont des enseignants, des docteurs de la loi juive. Ils sont assis dans la chaire de Moïse, dit Jésus.
Ils sont apparus au cours du 1er siècle avant Jésus-Christ. Ce sont des laïcs (par opposition aux prêtres).
Leur revendication fut l'application rigoureuse de la loi par tout le peuple, et non seulement par les prêtres. C'est une sorte de démocratisation de la religion, afin de limiter le prestige et le pouvoir des prêtres.
Leur démarche peut paraître sympathique, voire prophétique, mais il semble que le but de leur action ait été trop marqué par la notion de prestige et de pouvoir. Ils ont utilisé la fidélité à la loi pour grimper, eux-mêmes, dans l'échelle sociale.
Les Pharisiens sont, un peu, les intégristes du moment ; encore que beaucoup moins violents que les intégristes actuels. Ce sont surtout les prêtres qui feront condamner Jésus.
Autre différence : comparés à notre époque, les Pharisiens (sûrs de leur fidélité à la loi) sont plus ouverts aux idées nouvelles que les fondamentalistes actuels.
Leur problème, c'est le prestige, l'apparence. L'important, c'est l'opinion que le peuple se fait d'eux. Jésus dit qu'ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes (23, 5). Si l'image ne correspond pas à la réalité, pour eux, ce n'est pas grave ; l'important étant ce que les gens voient, et ce qu'ils pensent des Pharisiens. D'où une hypocrisie, classique chez tout être humain qui se dit parfait, puisque la perfection n'existe pas.
Il est étonnant de voir comment on peut se tromper soi-même. A force de vouloir passer pour quelqu'un de parfait, on peut se persuader qu'on l'est vraiment, et considérer, alors, que la perfection n'est qu'une affaire d'apparence. C'est cette hypocrisie que Jésus n'admet pas.
Les Pharisiens observent scrupuleusement la loi. Au besoin en l'exagérant un peu, surtout dans le domaine du visible. C'est ainsi qu'ils montrent leur attachement à la loi en portant des phylactères : sorte d'étuis contenant des paroles essentielles de la loi, et que les Juifs pieux portent sur le bras ou le front, selon le verset du Deutéronome (6, 8) : Les paroles des commandements ... tu en feras un signe attaché à ta main, une marque placée entre tes yeux. Texte à comprendre spirituellement, mais que les pharisiens interprètent littéralement.
Ils allongent les franges de leurs vêtements. La loi ordonnait, en effet, que tout Juif ait une frange à son vêtement (Nom 15, 38. 39), afin de se souvenir des commandements de Dieu, et d'y inclure un fil pourpre, signe de consécration à Dieu.
Les Pharisiens allongent tous ces signes, pour montrer leur fidélité.
Il semble que Jésus soit partisan d'une compréhension spirituelle de ces règles.
Les Pharisiens ont le droit de pratiquer leur religion ainsi. Jésus ne critique pas leur zèle pour eux-mêmes. Mais qu'ils soient alors vraiment fidèles ! Et que leur obéissance ne se limite pas à l'apparence ! Car ils disent et ne font pas.
D’autre part, ils veulent contraindre les autres à faire de même ; les autres qui ne sont pas forcément hypocrites comme eux, et qui s'efforcent donc d'obéir vraiment à toute la loi. Rendus esclaves de la loi, ils portent alors un fardeau que les Pharisiens ne portent pas eux-mêmes, puisqu'ils se contentent de dire, eux.
La question se pose : pourquoi les Pharisiens veulent-ils imposer leur façon de voir et contraindre les autres à pratiquer comme eux ? C’est le problème de base posé par tous ceux qui ne se contentent pas de vivre leur foi à leur manière et qui veulent l’imposer à toutes celles et à tous ceux qui les observent, et cela à toutes les époques.
La réponse est donnée par Jésus dans la suite du texte : les Pharisiens veulent contraindre les autres à pratiquer comme eux pour recevoir des honneurs et être appelés : maîtres.
Arrivé à ce point, Jésus passe des critiques à l'égard des Pharisiens aux conseils aux disciples.
Les conseils de Jésus.
Fidèle au principe : Ne faites pas ce que font les Pharisiens, il dit : Ne vous faites pas appeler rabbi (mon maître) … ; n'appelez personne sur la terre, votre père … ; ne vous faites pas appeler katègètaï. Ce mot est de la famille de ègémaun, qui veut dire : prince, gouverneur.
On peut donc le traduire par : guide, directeur (dans le sens de celui qui dirige) ou de docteur (en tant que celui qui définit la doctrine à suivre).
Que veut dire Jésus ? Car nous avons tous appelé notre instituteur : maître ; notre père biologique : père ; le responsable d'un établissement quelconque : Mr le Directeur.
Il faut comprendre les paroles de Jésus en fonction du contexte : on est dans le domaine religieux, et non familial ou administratif. Or, dans ce domaine :
- Le maître est celui qui définit le magistère, ce qu'il faut croire et professer.
- Le père est celui qui est à l'origine ; de la vie pour le père biologique ; du fondement, sur le plan idéologique.
- Le katègètès est le conducteur, celui qui indique le chemin ; le chemin lui-même.
Sur le plan spirituel, Jésus s'oppose à tous ces intermédiaires qui se glissent entre l'être humain et Dieu, et que la religion a toujours produits, depuis les chamans et les sorciers jusqu'aux gurus, en passant par les directeurs de consciences et les prophètes en tous genres. Sans parler des lois, des coutumes, des règlements, des dogmes et des magistères.
Jésus s'oppose à tous ces intermédiaires, parce qu'ils constituent un écran entre Dieu et le fidèle ; faisant passer Dieu pour un maître dur et sans miséricorde, à l'image de ceux qui se disent ses représentants, ou de la loi, censée être l'expression de la volonté divine.
Jésus s'oppose à tous ces intermédiaires, parce qu'ils créent des clivages et des classes différentes entre les croyants : d'une part le peuple qui a besoin d'être guidé, d'autre part le directeur, le maître, le père ou le clergé ; le spécialiste qui dirige et commande et qui ruine ainsi l'égalité fondamentale entre chrétiens et la fraternité.
Jésus s'oppose à cette "médiation", qui est plutôt une rupture de relation entre le croyant et Dieu, et entre les fidèles. C'est pourquoi il dit : Un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères ... un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux ... un seul est votre guide, votre chemin, le Christ.
La relation est directe entre le fidèle et Dieu. Il n'est nul besoin d'intermédiaires.
Au départ, on pourrait penser que ceux-ci sont une aide, un lien pour s'approcher de Dieu, mais en fait, plus il y a d'intermédiaires et plus on s'éloigne de Dieu. C'est physique, il faut bien de la place pour mettre tous les médiateurs. En conséquence, Dieu apparaît distant, un despote que l'on ne peut approcher qu'en étant "pistonné". C'est pourquoi Dieu a court-circuité toutes les médiations en s'approchant lui-même de l'être humain. La relation directe est fondée sur l'incarnation, qui est le fondement de l'Evangile : Dieu s'est fait homme en Jésus-Christ pour que chacun puisse être directement en relation avec lui.
Dieu n'est pas un être inaccessible dont l'approche nécessiterait quantité d'étapes. Il est proche de chacun de nous, en Jésus-Christ.
Les Pharisiens recherchaient les honneurs et aimaient se faire appeler : maîtres. Dans ce but, ils avaient séparé les fidèles de Dieu en plaçant, entre eux, la loi ; disant au peuple soit :
- Que Dieu se confondait avec la loi. La loi devenait ainsi une idole de Dieu.
- Qu'il fallait passer par la loi pour atteindre Dieu. Et donc passer par eux, les maîtres de la loi, pour connaître Dieu.
A l'heure actuelle, aussi, beaucoup recherchent le prestige et se donnent des titres. Cela n'a pas beaucoup d'importance. Il y a, d'ailleurs, des fonctions et des personnes auxquelles on doit un respect particulier. Mais dans le domaine spirituel, l'Evangile nous dit qu'il y a des titres et des honneurs qui ne reviennent qu'à Dieu, et que les donner aux hommes, c'est se faire des faux dieux, des idoles ; et c’est porter atteinte à l'amour de Dieu manifesté dans l'incarnation.