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- Créé le dimanche 5 octobre 2014 17:58
REPENTANCE ET FOI
Matthieu 21, 28 à 32 - Marc 1, 14 à 15 - Romains 2, 1 à 5
Pourquoi Jésus raconte-t-il cette parabole ?
Pour répondre à cette question, la connaissance du contexte est déterminante. Le contexte historique et littéraire, c'est-à-dire les événements rapportés dans ce chapitre 21 de Matthieu, et dans ceux qui suivent.
D'après Matthieu, qui est le seul évangéliste à rapporter cette parabole, Jésus la raconte le lendemain de son entrée à Jérusalem. Or le dimanche des Rameaux débute la semaine de la Passion du Christ. On est donc dans un climat particulier.
Déjà, dès son entrée à Jérusalem, Jésus a chassé les vendeurs du temple ; ce qui n'est pas fait pour calmer les esprits. Le lendemain, il assèche le figuier stérile et refuse de répondre aux prêtres qui lui demandent par quelle autorité il agit. C'est alors qu'il raconte la parabole des deux fils, puis celle des mauvais vignerons qui gardent les fruits pour eux et tuent le fils du maître. Et Jésus de dire à ces auditeurs : C'est pourquoi le règne de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en produira les fruits (22, 43). Matthieu ajoute (au verset 45) que les grands prêtres et les pharisiens comprirent que c'était d'eux qu'il parlait.
Au chapitre suivant, les discussions entre Jésus et les chefs religieux deviennent de plus en plus acerbes. Jésus raconte la parabole de l'invitation au festin, invitation rejetée par les premiers invités. Ce qui conduit le maître à inviter n'importe qui.
Enfin, au chapitre 23, Jésus fait des reproches cinglants aux scribes et aux pharisiens en les traitant d'hypocrites.
Il faut avoir ce contexte à l'esprit pour tâcher de saisir le sens de la parabole des deux fils.
Un homme avait deux fils.
Qui sont ces deux fils ? C'est la question à laquelle Jésus veut aboutir. En effet, il introduit son commentaire par la question : Lequel des deux a fait la volonté du Père ? (v. 31). C’est mettre l'accent sur la différence qui existe entre les deux, et donner une clef pour les identifier.
Au départ, on ne sait pas qui sont ces fils, mais la présentation que Jésus fait de ces deux jeunes gens permet de répondre à la question.
Le père donne le même ordre à ses deux fils : Va travailler aujourd'hui dans la vigne.
Le premier répond qu'il ne veut pas travailler dans la vigne, puis il change d'idée et y va. A son sujet, Jésus dit qu'il se repent.
Le second dit à son père qu'il veut bien travailler dans la vigne, puis il change d'idée et n'y va pas. Et, dans son cas, Jésus n'emploie pas le verbe se repentir.
Jésus raconte-t-il cette histoire uniquement pour nous encourager à travailler pour Dieu ? Pas du tout, car, dans ce cas, son commentaire eut été du genre : Comme le premier fils, repentez-vous et allez travailler !
Au lieu de cela, il dit à ses auditeurs : En vérité, je vous le dis, les collecteurs des taxes et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu.
Qu'est-ce que ce commentaire vient faire ici ? Pourquoi cette référence aux collecteurs des taxes et aux prostituées ?
Tout porte à croire que Jésus fait une comparaison entre le premier fils, qui s'est repenti et qui a finalement fait la volonté du père, et les collecteurs de taxes et les prostituées. Ceux-ci auraient donc dit, dans un premier temps, qu'ils ne voulaient pas faire la volonté de Dieu, puis se seraient repentis pour finalement l'accomplir.
Qui est le deuxième fils ? Jésus ne répond pas de façon précise, mais il ne reste qu'une seule catégorie de personnes : le vous des versets 31 et 32, c'est-à-dire les auditeurs de Jésus.
Nous avons donc la réponse à la question : Qui sont les deux fils ?
Le premier symbolise les collecteurs des taxes et les prostituées, et, à travers eux, tous les laissés pour compte, les mal vus, les indésirables …
Le second est l'image des auditeurs de Jésus, à l'exception, évidemment, des collecteurs des taxes et des prostituées ; c'est-à-dire, les bien-pensants, les honnêtes gens, … voire, à plus forte raison, les religieux.
Jésus attire l'attention sur la différence qui existe entre les honnêtes gens et les prostituées.
Or, où se situe cette différence ?
Dans la moralité des uns et des autres ? Non ! A aucun moment Jésus n'aborde ce thème, en parlant de bien et de mal et en établissant des corrélations, par exemple, entre le travail et le bien et la paresse et le mal. Si c’était le cas, nous aurions, là, un discours moral. D'ailleurs, sur ce point, la parabole de Jésus ne cadrerait pas avec la réalité, car, en matière de morale, il valait mieux avoir affaire aux Pharisiens qu'aux collecteurs de taxes.
Où se situe donc la différence entre les honnêtes gens et les prostituées ?
Dans la capacité à changer d'idée ? Pas davantage ! Car s'il était question de la capacité à changer d'opinion, nous aurions un fils qui aurait changé, et un autre qui ne l'aurait pas fait ; or les deux fils ont changé d'idée. La leçon de la parabole ne porte donc pas sur l'intérêt de l'adaptation au détriment de l'entêtement.
Alors sur quelle différence Jésus veut-il attirer notre attention ?
Sur la capacité à tenir parole ? Pas plus ! Car les deux ne font pas ce qu’ils disent. On ne peut pas leur faire confiance.
Alors, quel est le message de la parabole ? Ou quelle est la différence entre les deux fils ?
Elle est rendue par deux termes :
1èrement : La repentance.
Au verset 29, Jésus dit que le premier fils (celui qui est allé travailler à la vigne après avoir dit qu'il n'irait pas) s'est repenti. Et au verset 32, Jésus reproche à ses auditeurs de ne pas s'être repentis à la prédication de Jean-Baptiste.
2èmement : La foi.
Au verset 32, Jésus dit que les collecteurs des taxes et les prostituées ont cru à la prédication de Jean-Baptiste ; alors qu’eux, les honnêtes gens, n'ont pas cru à cette prédication.
La repentance et la foi.
Comment Jésus établit-il un lien entre les deux ?
- En disant (v. 32), justement, que les Juifs qui ne se sont pas repentis n'ont pas cru.
- En posant la question (v. 31) : Lequel des deux a fait la volonté du père ? Question à laquelle les auditeurs de Jésus répondent : le premier fils. C'est-à-dire : celui qui s'est repenti.
Remarquons bien que Jésus ne demande pas : Lequel des deux a bien agit ? Mais : Lequel des deux a fait la volonté du père ?
La repentance ne se limite pas à une décision par rapport à une idée, qu'on appellerait bien ou mal — comme l'idée de travailler pour rester dans le contexte de la parabole — mais par rapport à quelqu'un ; en l'occurrence : le Père.
La repentance est une relation.
Une relation de confiance ; c'est-à-dire de foi. Une relation d'amour.
On ne se repent pas en fonction de la morale ; car nous savons que les notions de bien et de mal sont fluctuantes selon les époques, les milieux et les circonstances.
On se repent parce que l'on aime quelqu'un et que l'on veut manifester cet amour. De ce fait, nous sommes amenés à changer d'idée, parfois, parce que nous aimons un Etre vivant, et parce que l'amour nous conduit à nous adapter sans cesse aux autres, à changer nos points de vue et nos actions, alors que l'application d'une règle de conduite peut produire un comportement figé, un entêtement sur des principes au détriment des êtres vivants ; en un mot : de l'intégrisme.
C'est peut-être la raison pour laquelle Jésus raconte l'histoire de deux hommes qui changent d'idée. Pour montrer aux Pharisiens intégristes que c'est un comportement courant, et que ce n'est pas grave en soi. Que changer d'idée n'est pas un mal, un péché, c'est même plutôt bon signe. Réfléchir sur ses propres actions et accepter de changer d'opinion est une marque d'intelligence. L'important étant d'agir par amour, pour le Père et pour les autres. C'est ce que les Pharisiens, attachés à la loi avant tout, n'avaient pas compris.
Se repentir, c'est changer de critères, de références, d'ancrage, par amour pour quelqu'un.
Ce que le deuxième fils ne fait pas. Il a bien changé d’idée et de point de vue, mais pas par amour. C’est pourquoi, à son propos, Jésus ne dit pas qu’il s’est repenti.
Se repentir, c'est un nouvel attachement, une relation de confiance. Ce que Jésus appelle : croire en lui.
Or, le critère de référence naturel, c'est soi-même. La plupart de nos décisions sont prises en fonction de nous-mêmes, de nos intérêts. Nous sommes trop au centre de nos vies. Même dans le domaine religieux, l'être humain est toujours tenté de chercher en lui-même les réponses à ses interrogations, alors que nous sommes invités à regarder au Père.
Se repentir, c'est regarder à Dieu et non à soi. Ce qui revient à regarder aux autres, car l'amour pour Dieu induit l'amour pour le prochain.
C'est là le changement de direction essentiel : croire en lui et non en nous.
En extrapolant la parabole, on pourrait dire que le premier fils s'est repenti non parce qu'il a jugé que sa décision de ne pas aller travailler était mauvaise, mais parce qu'il a pensé à son père. Sa décision finale est un choix d'amour, non de bonne moralité.
La question à se poser n'est pas : Est-ce que j'ai de bons principes, de bonnes règles de conduite ? — Même si ce genre de question n'est pas négatif — Mais : Est-ce que j'aime Dieu et mon prochain ? Si c'est le cas, nous sommes prêts à changer d'idée, encore et toujours ; pour aimer davantage.