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- Créé le dimanche 28 septembre 2014 21:28
UN ENFANT PEUT CHANGER LE MONDE
Matthieu 18, 1 à 5 - Esaïe 7, 10 à 17 - Psaume 127
Aujourd'hui les enfants sont à l'honneur. Nous en avons quelques uns parmi nous, et je sais qu'ils aiment les histoires.
Je vous propose donc une histoire et j'espère que les grands l'aimeront aussi.
Cela se passe il y a plus d'un siècle. Du temps où les grands-parents des personnes les plus âgées ici présentes étaient jeunes.
Et cela se passe dans un pays très froid qui s'appelle Alaska.
Un jour, dans ce pays, quelqu'un a trouvé de l'or. Et cela a provoqué un phénomène qui s'appelle la ruée vers l'or. Beaucoup d'hommes ont laissé la vie qu'ils avaient pour partir vers cet endroit mythique au milieu de nulle part.
Pour atteindre la rivière aurifère il fallait passer deux cols où il y avait de la neige en permanence. Nous savons, ici dans notre région, ce qu'est un col de montagne. Même les enfants ont entendu parler du col des Limouches, par exemple.
Mais sur nos cols, tout près d'ici, il y a une route, n'est-ce pas ?
Mais sur les cols du White et du Chilkoot il n'y avait pas de route. Il n'y avait qu'une petite piste qu'il fallait suivre à pied ou sur une mule. Même les chevaux ne pouvaient pas y marcher. D'ailleurs on appelait cette piste "la route du cheval mort". Les hommes qui faisaient ce voyage devaient porter sur leur dos ou sur leur mule leurs vêtements, leurs outils et de la nourriture pour une année entière. Parce qu'on pouvait voyager difficilement en été, mais en hiver on ne pouvait pas du tout voyager, parce que les cols étaient infranchissables.
Notre histoire se passe dans un village d'orpailleurs. On appelle comme ça les hommes qui cherchent de l'or. Leur vie était très difficile. Il fallait travailler dans l'eau glacée de la rivière, dormir dans des cabanes sans confort et la nourriture était rare.
Certes, les hommes trouvaient un peu d'or, mais la nourriture et le whisky étaient tellement chers qu'ils n'arrivaient pas à s'enrichir. Ils étaient donc devenus frustrés et aigris, endurcis par leurs conditions de vie.
Et voilà qu'un jour arrivent au village des voyageurs pas comme les autres. Un homme qui ne portait pas sur sa mule des outils, mais un orgue de barbarie et des caisses de whisky. Et, chose incroyable, cet homme était accompagné de trois femmes. Oh, ces hommes rudes n'avaient pas oublié que les femmes existaient, mais cela faisait si longtemps qu'ils n'en avaient pas vu !
Ils ouvraient grand les yeux et avaient du mal à y croire. Il s'agissait de femmes encore jeunes et robustes, qui savaient manier les outils. A peine étaient-ils installés, que l'homme prit une planche, et avec son canif chauffé à blanc il écrit SALOON et en dessous "danseuses de Paris".
Bien sûr ces jeunes femmes ne venaient pas de Paris, mais on avait entendu parler d'une danse qui venait de là-bas, et qui était très à la mode.
Ces femmes n'avaient pas eu de chance dans leur vie. Elles n'avaient trouvé ni un bon mari, ni un bon travail et elles étaient mal considérées par les femmes respectables. Dans leurs bagages, quelques oripeaux de soie défraichie, des froufrous que, le soir venu, elles agitaient autour de leurs jambes, au son de l'orgue de barbarie. Ce spectacle faisait venir les hommes, qui consommaient beaucoup de whisky hors de prix et faisaient ainsi la fortune du patron.
Le temps passe et voilà qu'un jour, ou plutôt un soir, une de ces femmes disparaît de la scène. Elle ne vient plus danser.
Les hommes demandent de ses nouvelles et on leur apprend que la femme est enceinte. Ça alors ! Tellement abrutis par le travail pénible et l'alcool, les hommes n'avaient pas pensé que cela pouvait arriver…
Ils se regardent entre eux. Aucun d'eux ne pouvait dire "c'est moi le père". Ils n'en savaient rien, et la femme non plus. Mais alors, qu'allaient-ils faire ? Rapatrier la femme dans la ville la plus proche était exclu. Les cols étaient fermés pour de longs mois. Personne ne pouvait ni arriver, ni repartir. Il n'y aurait pas de sage-femme, ni de médecin, ni de trousseau. Les hommes se grattaient la tête, perplexes. Leur village n'était pas un endroit pour un enfant. Surement pas. D'un autre côté …
D'un autre côté, quelque chose bougeait dans le cœur de ses hommes rudes. Une nostalgie, un espoir, une émotion.
Alors le plus courageux s'exclama : Ce gosse, on va s'en occuper ! Les autres acquiescèrent, les femmes applaudirent.
Et chacun trouva une idée. Construire une cabane confortable et douillette, collecter de vieux vêtements pour y tailler de petits habits. Fabriquer un berceau.
Puis, quand l'enfant fut là, ils venaient, sur la pointe des pieds, pour le voir dormir. Ils étaient silencieux et respectueux comme dans une église. Pas question de fumer ou de jurer. Certains avaient la larme à l'œil. Ils pensaient à leur propre famille qu'ils avaient laissée au loin.
Et des idées leur venaient : et si on élargissait la route ? Et si on faisait venir nos familles ? Et si on ouvrait une école et une église ? Et si … Et si …
Le champ des possibles s'ouvrait là où il n'y avait pas d'espoir. C'est ainsi qu'un repère inhospitalier d'hommes seuls et désespérés est devenu un vrai village. Un enfant a changé leur monde.
Rien n'est plus comme avant lorsqu'un enfant arrive dans nos vies. Nous ici présents qui avons eu des enfants le savons.
Beaucoup de choses vont et viennent dans nos vies sans nous changer vraiment. Mais notre enfant nous change. Il est toujours présent dans notre cœur. Même quand il est grand, nous nous demandons toujours où il est, comment il va, s'il est heureux. Quand il nous arrive un bonheur, nous voulons que l'enfant soit là pour le partager. Si c'est un malheur, pourvu que l'enfant n'en souffre pas … Notre enfant, c'est un petit morceau de nous-mêmes qui se détache de nous, pour aller à la crèche, à l'école, à Paris, en Angleterre, en Australie, et que sais-je encore !
Au temps du peuple d'Israël, il y a très, très longtemps, les enfants étaient les bienvenus.
Parfois la vie était très difficile pour ce peuple. Les autres peuples venaient dans leurs terres, comme des sauterelles avides, et leur volaient toute leur nourriture, leur argent et toutes les belles choses qu'ils possédaient.
Vous savez comment Dieu les aidait ? En envoyant un puissant guerrier sur un grand cheval ? Non, en envoyant des hommes humbles et souvent des enfants. C'est ce qui est arrivé quand les Philistins tourmentaient le peuple d'Israël. Dieu a envoyé un enfant qui s'appelait Samson, puis un autre qui s'appelait Samuel et plus tard encore un autre qui s'appelait David.
Dans le texte du prophète Esaïe que nous venons de lire le roi Ahaz était aux abois. Deux rois des pays voisins voulaient l'obliger à entrer en guerre contre l'Assyrie. C'était une grosse bêtise. Ahaz ne voulait pas, alors les autres ont assiégé sa capitale. Heureusement, le prophète Esaïe était là. C'était un grand prophète. Il a dit au roi : ne t'en fais pas, ces deux roitelets ne pourront rien contre toi. D'ailleurs, il t'envoie un signe : il va y avoir un bébé dans ta maison !
Les rois sont toujours contents quand un bébé arrive dans leur maison. Cela veut dire qu'il y aura une succession.
A chaque naissance annoncée, les Israélites pensaient au Messie, le sauveur qui allait venir. Ils se disaient : c'est peut-être mon bébé, ce Messie qui doit venir.
Et finalement le Messie est venu. Les enfants connaissent l'histoire de sa naissance. C'est la plus belle des histoires de naissance, et on la commémore avec la plus belle des fêtes : Noël.
Après le Messie, ce n'était plus aussi important d'avoir des enfants pour accomplir le dessein de Dieu. L'humanité était sauvée par Jésus. Beaucoup de gens ont même renoncé à se marier et à avoir des enfants. C'étaient les moines et les religieuses. Ils se retiraient dans les couvents, priaient, étudiaient, recopiaient des livres et travaillaient la terre. C'est grâce à eux que la Bible nous est parvenue.
Alors, ce n'est plus la peine d'avoir des enfants ?
Mais si, parce que nous avons besoin des enfants. Jésus les aimait, les accueillait et les bénissait. C'est ce que nous avons fait aujourd'hui dans ce temple.
Mais Jésus a fait plus que ça, il s'est servi des enfants pour expliquer son message.
Le travail de Jésus était de prêcher le Royaume. Le Royaume de Dieu, ou le Royaume des cieux.
Royaume ? Les enfants aiment bien les histoires de Royaume, avec des rois, des princes et des princesses, n'est-ce pas ?
Mais le Royaume de Dieu n'est pas un royaume comme les autres. Il n'a pas de frontières. Nous n'y entrons pas par une route, mais par la foi et par l'amour.
Des fois, Jésus dit des choses qui sont difficiles à comprendre.
Vous savez pourquoi ? Parce que dans son Royaume les choses sont tout à l'envers.
Eh, oui. Ce qui est important pour les royaumes du monde, par exemple être beau, avoir de beaux vêtements, de l'argent et du pouvoir n'a aucune importance dans le Royaume de Dieu.
Ce n'est même pas la peine d'être une grande personne. Les petits enfants sont les citoyens du Royaume de Dieu.
Et, fait encore plus extraordinaire, ceux qui sont déjà grands doivent devenir de nouveau petits.
Oh là, cela n'est pas seulement difficile, c'est impossible.
Pourtant, Jésus le dit. Nous l'avons lu dans les évangiles. Alors, allons-nous rapetisser pour devenir petits comme N… ?
Non, bien sûr. C'est avec notre cœur que nous allons devenir des enfants.
Pour cela nous allons les regarder vivre. Les enfants sont-ils parfaits ? Sûrement pas ! Ils sont égoïstes, n'en font qu'à leur tête, se battent entre eux, et des fois il faut les punir… N'est-ce pas, les enfants ?
Mais qu'à cela ne tienne. Les citoyens du Royaume de Dieu ne sont pas parfaits. Les citoyens du Royaume c'est vous et moi ! Et nous, grands, faisons les mêmes bêtises que les enfants, finalement, sauf que souvent les conséquences sont plus graves.
Bon alors, les enfants ne sont pas parfaits mais nous devons devenir comme eux …
Alors regardons-les. Regardons un jeune enfant mettre sa main dans la main de son papa. On va escalader l'Everest, dit le papa. Chic alors, dit l'enfant, on va escalader l'Everest. Sur les épaules de son papa il gravira des montagnes et traversera des vallées, essuiera des tempêtes et descendra dans les cavernes. Toujours content, parce qu'il a confiance.
Est-ce que nous faisons confiance comme ça au Seigneur ? Non, je ne crois pas …
S'il nous demande une chose difficile, nous allons trouver des tas de raisons et d'objections pour ne pas la faire.
Regardez maintenant un enfant qui reçoit un gâteau ou un jouet. Regardez la joie parfaite de son regard. S'il l'a appris, il dira merci et s'en ira, tout content, savourer sa friandise ou jouer avec son cadeau.
Est-ce comme cela que nous recevons les grâces ? Nous, grandes personnes, quand nous recevons un cadeau nous avons des arrière-pensées. Nous nous disons que, d'une manière ou d'une autre, ce cadeau il faudra le payer… Et nous voilà en train de faire des calculs. Mais dans le Royaume de Dieu, il n'y a pas de calculs.
Contemplez maintenant l'enfant sur les genoux d'une personne qu'il aime. Quand il est avec sa mamie ou son arrière-mamie, il ne remarque pas ses rides, son dos voûté. Pour lui mamie n'a pas de rides, tatie n'est pas grosse, papi n'est pas chauve. Les personnes qu'il aime sont belles et fraîches, et elles le resteront toujours. Nous, les grands, nous sommes bien loin d'avoir ce regard indulgent envers notre prochain. Au contraire, nous remarquons les défauts des autres et aimons les commenter. Mais dans le Royaume de Jésus on regarde son prochain avec bonté.
L'enfant est comme une fleur ouverte aux rayons du soleil. Mais la fleur est fragile. Elle a besoin de soins et d'amour. Malheur à celui qui brise ou qui blesse un enfant !
C'est pour cela que nous sommes réunis ici, autour d'un petit enfant et d'une famille. Parents, parrains et marraines, mamies et papis, tontons et taties, si jamais l'un d'entre vous faille, les autres sont là pour prendre la relève. L'Eglise est là aussi, pour lui parler du Royaume, ce trésor que Jésus nous a laissé, et dont cette petite fille est déjà la citoyenne.
Prenons exemple de son amour et de sa simplicité, afin d'être, nous aussi, des citoyens de ce Royaume qui est déjà ici et maintenant, et qui perdurera pour l'éternité.