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- Créé le dimanche 24 août 2014 20:24
VA AVEC CETTE FORCE QUE TU AS !
Juges 6, 1 à 6 - 2 Timothée 1, 3 à 12 Matthieu 25, 14 à 30
Voilà la situation, très courante dans le livre des Juges, cette période comprise entre l'installation des Israélites en Canaan et la royauté.
Israël a oublié Dieu, et les peuples environnants prennent la place de Dieu. En quelque sorte, ils deviennent les dieux d'Israël. Mais des dieux durs, qui viennent faire leurs courses en Israël, notamment les Madianites qui pratiquent la razzia, comme des sauterelles.
Alors les Hébreux crient à Dieu pour être délivrés de Madian. Dieu va-t-il répondre ?
Oui ! Dieu répond. Il choisit Gédéon.
Un jour, Gédéon battait du blé. Mais où battait-il son blé ? En principe on le fait sur l'aire, en plein air, afin que le vent fasse envoler la paille. Mais ce n’est sur l’aire que Gédéon bat son blé, c’est au pressoir, dans une cave à vin. Et pourquoi bat-il son blé dans un pressoir (ce qui, entre nous, n’est pas du tout indiqué pour battre du blé) ? Pour mettre son blé à l'abri des Madianites.
C’est alors que l'ange de Dieu lui apparaît et lui dit : Dieu est avec toi, vaillant héros !
Vous parlez d'un héros qui se cache pour battre son blé !
C’est que Dieu ne voit pas les choses comme nous ; il ne juge pas les personnes comme nous ; il voit en vérité : c’est-à-dire qu’il a, d’emblée, un préjugé favorable.
Mais Gédéon n’a pas le comportement d’un héros, il se plaint, il dit à l’ange : Si Dieu était avec nous, ça n'arriverait pas ! Il me semble avoir entendu ça quelque part ; plus souvent sous la forme : Si Dieu existait, ça n'arriverait pas ! Ce qui revient un peu au même.
Gédéon se plaint en apportant des arguments supplémentaires que l’on entend aussi parfois. Il poursuit en disant : Où sont donc toutes les merveilles que nous racontaient nos pères en concluant : “N’est-il pas vrai que le Seigneur nous a fait monter d’Egypte ?” Or maintenant, le Seigneur nous a délaissés en nous livrant à Madian.
Il nous arrive de tenir ce langage, car notre histoire ne correspond pas à ce qu’on lit dans la Bible. En tous cas, Dieu n’intervient pas dans notre histoire comme il intervenait dans l’histoire biblique. Il est intéressant de noter ce détail, plutôt récent, du texte.
Il y a des moments, comme ça, où les choses vont mal ; et on se laisse parfois aller au découragement. Alors Dieu nous dit ce qu'il dit à Gédéon : Va avec cette force que tu as, et délivre Israël de la main de Madian ; n'est-ce pas moi qui t'envoie ?
Que fait alors Gédéon ? Se lance-t-il dans l'aventure tout de suite ? Non, il discute, il cherche des excuses pour ne pas y aller : ma famille est la plus pauvre de la tribu, je suis le plus jeune de la famille …
Des excuses qui font référence aux coutumes de l'époque, et selon lesquelles seuls les gens reconnus importants prenaient des initiatives. Mais Dieu n'a que faire des privilèges que certains se donnent pour brimer les autres. Dieu insiste. Alors Gédéon demande des signes :
- Il prépare un repas pour l'ange. Celui-ci fait brûler le repas en le touchant et disparaît. Alors Gédéon est sûr que c'est Dieu qui lui a parlé. Mais il veut encore d'autres preuves.
- Il propose à Dieu l'épreuve de la toison. La première nuit il demande que la toison qu’il pose sur le sol soit humide au matin et le terrain sec. Dieu réalise le miracle, mais Gédéon n’est pas satisfait. Peut-être se dit-il que c’est un coup de chance, que l’on peut admettre que la toison ait attiré la rosée, et que, par conséquent, le terrain reste sec. Aussi, la nuit suivante, Gédéon propose-t-il à Dieu de faire l’inverse.
- La deuxième nuit Gédéon demande que la toison soit sèche au matin et le terrain humide. Là encore, Dieu joue le jeu. Alors Gédéon prend confiance.
Il sonne le rassemblement des hommes d'Israël, pour faire la guerre à Madian. Combien en vient-il ? 32 000 hommes. C'est bien, mais les Madianites sont innombrables.
Est-ce que ces 32 000 suffiront ? Oui, dit le Seigneur, ils sont même trop nombreux. S'ils gagnaient la guerre, ils penseraient que c'est grâce à eux, alors que c'est Dieu qui donne la victoire. Alors tous ceux qui ont peur sont priés de retourner chez eux. Combien sont-ils à repartir ? 22 000. Il en reste 10 000. C'est très ennuyeux pour un chef de voir ses effectifs fondre comme ça. Mais enfin, avec 10 000 hommes on peut encore faire quelque chose.
Ils sont trop nombreux, dit le Seigneur. Et il propose à Gédéon le tri du cours d'eau. Gédéon conduit ses hommes à la rivière pour qu’ils puissent boire. Seuls 300 ne s'arrêtent pas et lapent l'eau en passant. Les autres se mettent à genoux pour boire. C'est avec les 300 que Gédéon va livrer bataille, c'est-à-dire avec ceux qui ont vraiment envie d'y aller. Dieu ne force pas.
Pour la bataille, chaque soldat reçoit 1 cor (trompette), 1 cruche et 1 torche, mais pas d’arme. C’est curieux de partir à la guerre sans arme.
En pleine nuit, les soldats de Gédéon entourent le camp de Madian. Ils attendent la relève de la garde, c’est-à-dire le moment où les gardes sont les plus réveillés. Car il ne s’agit pas de passer inaperçu, mais au contraire de faire le maximum de bruit.
Après la relève de la garde, les hommes de Gédéon cassent leurs cruches, dans lesquelles étaient cachées les torches, illuminent donc la nuit et sonnent du cor. Les Madianites, réveillés en sursaut, se battent entre eux et s’éliminent réciproquement. Israël a vaincu sans combattre.
C'est Dieu qui les a délivrés.
Les leçons de cette histoire :
On pourrait en conclure que Dieu fait tout et n'a pas besoin de nous. Mais ce n'est pas le message de l'histoire. Si c'était le cas, Dieu n'aurait appelé ni Gédéon, ni les 300 hommes. Certes il faut rester conscient que Dieu est le Maître et le véritable créateur du salut. C'est pourquoi l'armée de Gédéon est limitée à 300 hommes. Mais il veut nous faire participer à son œuvre.
Comme Gédéon, nous avons une foule d'excuses :
Je suis incompétent, je ne sais pas faire ! Qui est compétent pour participer à l'œuvre de Dieu ? On peut répliquer qu’il est toujours possible de se former et d'apprendre, même quand on a un certain âge. Dieu n'attend pas que nous soyons spécialistes pour nous embaucher. Il n’est pas dit que les 300 étaient de bons joueurs de cor. Ils n’ont pas passé un concours de musique pour êtres pris comme soldats. Il faut dire qu’on ne leur demandait pas de jouer une symphonie, mais de faire du bruit ! Gédéon n'était d’ailleurs pas un soldat professionnel, mais cultivateur ; et Dieu lui dit : Va avec cette force que tu as ! N’est-ce pas moi qui t’envoie ! Pour s'engager, il faut plus avoir confiance en Dieu qu'en soi-même. Comme Gédéon, il faut oser se lancer. Même si toute formation peut être utile.
Parmi nos excuses, nous disons parfois : « j'ai encore beaucoup à apprendre, il vaut mieux que je me contente d'écouter. » Cette excuse est peut-être le signe d'une grande sagesse ; surtout si l'on sait qu’écouter c'est être actif. Même si je me contente de lire les journaux, d'écouter la radio ou de regarder la télévision, je suis acteur, car mes choix influencent ceux qui écrivent des articles et réalisent des programmes, parce qu'ils veulent être écoutés.
Les sociologues nous disent maintenant que les consommateurs sont déterminants en ce qui concerne la qualité des programmes. Pourquoi y a-t-il une littérature à scandales ? Parce que les gens aiment les scandales. Pourquoi y a-t-il tant de programmes nuls à la télévision ? Parce que le public aime les programmes nuls.
Dans l'Eglise aussi, être seulement spectateur et consommateur n'est pas neutre. D'abord parce que si personne n'écoute, plus personne ne parlera. Il vaut donc mieux être consommateur qu'absent. Etre présent aux cultes et à d'autres réunions est donc important.
Il est vrai que se limiter au rôle de consommateur peut contribuer au déclin de la communauté, par l'essoufflement des actifs, qui seront toujours les mêmes ; et aussi, par l'état d'esprit qui se dégage d'un groupe qui n'entreprend plus, et qui fait tâche d'huile pour conduire à un laisser-aller général. L'inactivité crée des inactifs, alors que l'action crée l'enthousiasme. C'est pourquoi Dieu nous propose de participer.
Dieu dit à Gédéon : Va avec cette force que tu as !
Certes, Gédéon n'a pas fait confiance tout de suite, car il ne savait pas qu’il avait cette force en lui. Une force qui lui venait de Dieu ! Une force que Dieu place en nous aussi, comme une grâce.