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- Créé le dimanche 3 août 2014 20:10
COMMUNIER DANS LA DISETTE
1 Rois 17, 8 à 16 − Amos 8, 11 à 13 − Marc 12, 41 à 44
Le prophète Elie a faim. Il n'est pas le seul, de nombreuses personnes ont faim, à cette époque, en Israël. Pourquoi ? Parce que c'est la famine. Cela fait plusieurs mois qu'il ne pleut pas. Ce n'est pas inhabituel au Moyen-Orient. Déjà à cette époque — et l'histoire se passe 900 ans avant Jésus-Christ — la région était relativement sèche, et il arrivait que les récoltes soient pauvres. Mais cette sécheresse là est particulière, car elle dépend d’une malédiction.
Qu’elles sont les circonstances de cette famine ?
Le peuple d'Israël oublie le vrai Dieu, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.
C'est le roi Achab qui règne à Samarie. Achab est un roi idolâtre qui, à la suite de quelques uns des rois qui l'ont précédé, s'est mis à pratiquer le culte du taureau. Culte très répandu au Moyen-Orient à cette époque à cause du symbole de force et de virilité que représente cet animal.
L’apostasie du roi s'est aggravée à la suite de son mariage. En effet, Achab a épousé Jézabel, une princesse phénicienne, fille du roi de Sidon. Or, les Phéniciens adoraient deux divinités particulières : Baal et Astarté. C'est un couple : Baal est dieu de l'orage, de la pluie, et donc des récoltes ; Astarté est sa partenaire. Leur culte célèbre la fécondité. La fécondité de la terre, des animaux et des êtres humains. On les adore donc pour avoir de bonnes récoltes, un riche cheptel et de nombreux enfants.
Achab et Jézabel entretiennent une armée de prêtres et de prophètes qui célèbrent Baal et Astarté et poussent le peuple à oublier le vrai Dieu.
Mais le prophète Elie réagit.
Elie se présente devant le roi Achab (1 Rois 17, 1 …) et lui dit : Par la vie du Seigneur, le Dieu d'Israël, au service duquel je me tiens, il n'y aura ces années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole.
Pourquoi le prophète prononce-t-il cette malédiction ?
Elie se place sur le terrain de Baal pour révéler son inefficacité. En effet, les païens voient en Baal le dieu de la pluie. Si lui, Elie, au nom du Dieu d'Israël, empêche la pluie de tomber, il révèle que le Dieu d'Israël est plus puissant que Baal. Et ainsi, on peut espérer que les Israélites adoreront la plus puissante des deux divinités, à savoir le Dieu d'Israël. Elie se place délibérément dans le registre de la puissance.
C'est ainsi que, conformément à la parole du prophète Elie, et depuis quelques mois, aucune pluie n'est tombée.
C'est à ce moment que se situe l'histoire que nous avons lue tout à l'heure.
Dieu envoie Elie à Sarepta.
Sarepta est une localité qui se trouve en territoire de Sidon, à l'extérieur des frontières d'Israël, dans la patrie de Jézabel, la femme d'Achab.
A Sarepta, Elie rencontre une veuve, et il lui demande à boire et à manger. Mais cette femme est très pauvre. Les veuves étaient sans ressources, à l'époque. D'ordinaire, elles vivaient de la mendicité ; et, en période de famine, vous imaginez …
Elle n'a qu'un peu de farine et d'huile, pour faire une seule galette pour elle et son fils. Après quoi ils n'auront plus rien à manger, et ils mourront, dit-elle. Mais Elie lui dit : N'aie pas peur, rentre, fait comme tu l'as dit. Seulement, prépare-moi d'abord avec cela une petite galette et tu me l'apporteras ; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, le Dieu d'Israël : Le pot de farine ne s'épuisera pas, et la cruche d'huile ne se videra pas, jusqu'au jour où le Seigneur enverra la pluie sur la terre.
C'est ainsi que cette femme, son fils et le prophète eurent à manger pendant toute la durée de la famine.
C'est une belle histoire, mais pourquoi a-t-elle été écrite ? Que nous enseigne-t-elle ?
Le message de cette rencontre entre Elie et la veuve de Sarepta est celui de la communion.
Ils vont vivre ensemble pendant 3 ans ; c'est le temps que durera la famine. Pendant cette période, Elie ressuscitera le fils de la veuve, mort à la suite d'une maladie.
Cette communion est une communion spirituelle qui maintient et développe la vie.
C’est aussi une communion dans la disette, plus difficile à réaliser que la communion dans l'abondance, car dans l'abondance personne ne craint de manquer de quoi que ce soit ; il y a du superflu pour tout le monde.
Dans la disette, la peur de manquer est constante, et le partage est presque impossible, car celui qui donne est automatiquement démuni. C'est ce qui se passe pour la veuve de Sarepta. Et pourtant elle partage, elle donne ce qu'elle a.
Pour donner quand on a peu, il faut faire taire l'instinct de survie ; vous savez, ce réflexe naturel qui nous pousse à tout garder pour nous, par peur de manquer.
La véritable communion ne se contente pas du don de notre superflu, mais du partage de notre nécessaire ; comme l'a fait cette autre veuve de l'évangile, celle qui a mis presque rien dans le tronc des offrandes. Mais que Jésus loue, parce qu'elle avait mis de son nécessaire.
La communion d'Elie et de la veuve est une communion de vie issue du partage du pain.
La veuve nourrit Elie. Sans elle, il serait mort de faim.
Elie nourrit aussi la veuve. Sans le prophète, cette femme aurait mangé sa dernière galette, avec son fils, puis ils seraient morts aussi.
Les deux donnent et les deux reçoivent. En fait, les deux bénéficient de l’action de Dieu. C'est lui qui nourrit vraiment et sauve. L'être humain ne fait que partager les dons de Dieu ; c'est pourquoi dans le partage et la communion, aucun ne peut se glorifier aux dépends de l'autre.
La part de l'être humain, dans la communion, c'est la confiance, la foi.
Il fallait beaucoup de foi, de la part du prophète, pour oser demander quelque chose à la veuve. Car il semblait évident qu'elle n'avait rien à donner.
Il fallait beaucoup de confiance, de la part de la veuve, pour donner le peu qu'elle avait. Car, à première vue, elle avait tout à perdre dans cette histoire.
C'est cette foi, cette confiance que Dieu demande pour répondre à son appel, pour vivre la communion avec Jésus-Christ et les uns avec les autres. Non une communion de l'abondance matérielle : Elie et la veuve ne sont pas devenus riches. Dieu les a nourris au jour le jour, de son pain quotidien.
Ce n’était pas non plus une communion du bien-être assuré et de l'absence du malheur. La veuve a vu son fils souffrir et mourir. Dans l'Eglise, on n'est pas à l'abri du malheur.
Il s’agit de la communion dans l'amour vrai qui n'attend pas de récompense, mais où l'amour produit le triomphe de la vie, à l'image de la résurrection du fils de la veuve.
Vous souvenez-vous où la scène se passe ? A Sarepta, bien sûr !
Mais Sarepta se trouve dans le territoire de Sidon, royaume païen où régnait le père de Jézabel, la femme idolâtre d'Achab.
Lorsque Dieu envoie Elie dans cette région, le prophète aurait pu penser qu'il n'allait y rencontrer que des païens, et que le message de Dieu n'était donc pas pour eux.
La veuve de Sarepta est une étrangère pour Elie, et l'exemple de Jézabel aurait pu lui faire rebrousser chemin. Mais il ne faut pas s'arrêter aux images toutes faites et aux idées reçues.
La communion est possible au delà des frontières et des cultures différentes. Dieu nous rassemble tous dans la communion de son amour et de son salut.