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- Créé le dimanche 20 avril 2014 16:06
QUI CHERCHEZ-VOUS, ET POURQUOI ?
Luc 2, 41 à 52 − Deutéronome 16, 1 à 8 − Luc 24, 1 à 12
On lit traditionnellement ce texte après Noël, car dans l'évangile selon Luc – seul évangéliste à le rapporter – il suit le récit de la naissance de Jésus. Or, Luc dit bien que la scène se passe lors de la Fête de Pâque. La Pâque juive, bien sûr ; célébration et anniversaire de la sortie d'Egypte, et non 12ème anniversaire de Jésus (Noël).
C'est peut-être bien la première fois que Jésus fête la Pâque à Jérusalem. Dans le récit de Luc, la conjonction de cette fête et de Jérusalem ne peut que faire penser à La Pâque que nous fêtons maintenant, celle qui a vu la mort et la résurrection de Jésus, la Pâques chrétienne, à laquelle le récit fait référence de façon évidente. Mais de quelle façon ?
Pâques et Jésus à l'âge de 12 ans.
Il existe des points de ressemblance entre les deux événements :
Le texte de Luc 2 ne s'attarde pas sur les rites et les sacrifices dont tout Juif pieux s'acquitte lors de la fête de Pâque. Luc focalise son récit sur la personne de Jésus et ses parents. Comme, à la fin des évangiles, les évangélistes s'attardent sur la passion et la mort du Christ, sur les réactions des témoins ; et non sur la liturgie de la Pâque qui se déroulait au temple ces jours-là.
En Luc 2, toute l'histoire est racontée pour mettre l'accent sur la disparition de Jésus pendant 3 jours. Il est clair que ce temps de 3 jours n'est pas indiqué par hasard. Il fait référence aux 3 jours qui séparent la mort de Jésus de sa résurrection. Trois jours d'angoisse (v. 48) pour Joseph et Marie ; trois jours pendant lesquels Jésus est mort pour ses parents ; et les retrouvailles au 3ème jour préfigurent la joie de la résurrection.
Ce récit de Luc 2 anticipe donc la passion et la résurrection de Jésus. C'est une façon, pour Luc, de dire que la mort et la résurrection du Christ ne sont pas des faits hasardeux, mais correspondent à un plan de Dieu.
Dès l'âge de 12 ans, Jésus est conscient de sa mission et en accepte la finalité. Quoi qu'il advienne, c'est le plan de son Père céleste qui prime dans son existence, et il semble étonné que ses parents ne s'en soient pas doutés ; étonnement rendu par cette question : Pourquoi me cherchiez-vous ?
Cette question de Jésus : Pourquoi me cherchiez-vous ? rappelle, là encore, celles des anges aux femmes venues au tombeau le matin de Pâques : Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? (Luc 24, 5). Elle fait aussi référence à la question de Jésus à Marie de Magdala devant le tombeau, dans l’évangile selon Jean (20, 15) : Qui cherches-tu ?
Question que Dieu nous pose encore aujourd'hui.
Qui cherchons-nous ? Et non, que cherchons-nous ?
Car il nous est facile de remplacer le Christ par quelque chose. On l'a tellement fait au cours de l'histoire. Le remplacer par une doctrine, une tradition, des rites, un lieu … Autant d'éléments figés, fixés dans le temps, morts ; alors que Jésus est vivant.
Ce remplacement de Jésus par quelque chose qui bloque le plan de Dieu et le développement du Christ en nous est rendu, dans les récits de la résurrection, par la visite des femmes au tombeau. Le tombeau étant un lieu d'immobilité et de mort par excellence.
Les anges disent, en effet, aux femmes : Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? (Luc 24, 5). Pourquoi, en effet, faire de la résurrection quelque chose de mort ? Détruisant ainsi tout le message de la résurrection ; c'est-à-dire la vie de l'Esprit dans la communion avec Dieu. Destruction rendue manifeste par l'attachement que les chrétiens porteront au tombeau du Christ, au point de déclencher des croisades pour le défendre ; symptôme du passage de la spiritualité à la religion, alors que Pâques est le passage de la mort de la religion humaine à la vie de l'Esprit.
Mais Jésus n'est pas au tombeau. Les anges disent clairement aux femmes : Il n'est pas ici, il s'est réveillé. Il s'est réveillé avant nous, il a pris les devants et il nous entraîne à sa suite. Il est le chemin et la vie. Alors les femmes laissent le tombeau, les aromates et le projet d'embaumement (c'est-à-dire la satisfaction du devoir accompli) et courent raconter aux disciples ce qu'elles ont vu et entendu.
Cherchons-nous Jésus-Christ ou autre chose ? Et où le cherchons-nous ?
Dans le tombeau de nos redites, de nos principes qui nous valorisent aux yeux de Dieu et des autres ?
Dans les cycles endormant de nos vies répétitives ? Ou stressant de nos vies trépidantes ?
Dans l'hyperactivité qui tentent de remplir le vide de nos existences ?
Dans l'angoisse comparable à celle de Marie et de Joseph qui courent tout Jérusalem pour retrouver Jésus ?
Et, si nous le recherchons, pourquoi ?
Pourquoi cherchons-nous Jésus ?
C'est la question que Jésus pose à Marie et Joseph : Pourquoi me cherchez-vous ?
Pourquoi Joseph et Marie cherchent-ils Jésus ?
Pour calmer leur angoisse. Ne sont-ils pas responsables de la sécurité de cet enfant ? Comme tous parents qui se respectent. De même nous sentirions-nous responsables du Christ, indispensables à sa cause ? Nécessaires à la bonne marche de son Eglise ? Au point d'en faire notre Eglise et d'oublier que c'est la sienne ; et en devenir angoissés.
Pourquoi Joseph et Marie cherchent-ils Jésus ?
Pour le récupérer, pour en prendre possession ? Comme des parents qui concluent bien vite que leurs enfants sont à eux. Mais Luther définissait ainsi le mariage : se marier, c’est abandonner son identité pour donner naissance à un être qui échappe.
Nous ne sommes pas possesseurs de nos enfants ; comme de personne d'autre d'ailleurs.
Le Christ n'est pas à nous, c'est nous qui sommes à lui.
Jésus échappe, en effet, à Marie et Joseph. Ils avaient sans doute de l'ambition pour lui ; comme tous les parents pour leurs enfants. L'ambition qui correspond souvent à ce que les parents auraient voulu réaliser eux-mêmes, sans y parvenir.
Jésus échappe à Marie et Joseph. Et il nous échappe. Il ressuscite autre ; son vrai Père est céleste.
Jésus échappe à Marie et Joseph, comme il échappe aux disciples et au peuple qui avaient eux aussi des projets pour Jésus, des projets politiques, entre autres ; mais la mort et surtout la résurrection de Jésus rendent tous leurs projets caduques. C'est Jésus-Christ, le Maître.
Pourquoi les femmes cherchent-elles Jésus au tombeau ?
Pour embaumer son corps. Les textes sont précis à ce sujet. Embaumer, c’est-à-dire rendre le corps acceptable, présentable. Il s'agit d'accomplir ce que la coutume et la religion définissent comme étant juste et bien. C'est quasiment un rite religieux que cet embaumement.
Et bien le rite n'aura pas lieu. De même qu'en Luc 2, l'évangéliste ne raconte rien des services religieux de la Pâque juive auxquels Joseph, Marie et Jésus ont participé.
Le rite n'aura pas lieu parce que Jésus est vivant. Il n'y a donc plus lieu de l'embaumer. Ce qu'il demande, désormais, ce n'est pas un culte figé, stéréotypé, mais la vie.
Jésus est mort et ressuscité.
C'est lui qui nous a cherchés et nous a trouvés.
Nos religions sont incapables de trouver Dieu. Elles sont même incapables d'imaginer la vie spirituelle que Christ fonde pour nous. Lui le vivant est venu jusque dans notre mort pour nous en arracher et nous ressusciter. Il nous trouve morts alors que nous croyons être vivants.
Et il nous ressuscite à une vie nouvelle.
Jésus a 12 ans lorsqu'il vit sa première Pâque à Jérusalem. Douze ans, c'est à la fois l'âge de la plénitude et de l'espérance. Il connaît son origine et son destin, et il les assume.
Là, à Jérusalem, à l'âge de 12 ans, Jésus meurt déjà à une ancienne façon de vivre ; et il ressuscite pour entrer dans la vraie vie. Et cette résurrection est constante. Chaque jour est Pâques pour Jésus, car chaque jour il assume le plan de Dieu pour lui.
C'est pourquoi Jésus a toujours 12 ans, et parce qu'il nous rend participants de sa résurrection, nous avons toujours 12 ans, nous aussi ; et tout est possible, parce qu'à 12 ans l'espérance est entière. Tout est possible à celui qui croit.
La résurrection est toujours possible. La résurrection est ! Jésus est toujours ressuscité ! Il est vivant !