RECEVOIR LE MORCEAU TREMPÉ

Jean 13, 21 à 30 − Ephésiens 2, 11 à 22 − Ruth 2, 5 à 16

Comme l’indique sa référence, ce texte est tiré de l’histoire de Ruth.

Je le propose à notre étude ce matin, pour plusieurs raisons :

  -   Parce que nous l’avons étudié avec les enfants du club biblique, cette année. Or, cette histoire est très intéressante et mérite d’être rappelée aux adultes.

  -   Parce que dans cette histoire, il est question d’un repas (ou plutôt d’un casse-croûte). En effet, cette année, le club biblique revoit des histoires qui ont pour thème « les repas dans la Bible ». Et ce repas, auquel Ruth est invitée, nous donne une clef de compréhension, non seulement du repas en question, mais du sens que prend tout repas biblique, et non seulement dans la Bible. Jusqu’à la cène que Jésus partage avec les disciples.

Mais revenons à l’histoire de Ruth.

L’histoire de Ruth commence sans Ruth. Et elle remonte à une époque où il n’y avait pas encore de roi en Israël.

C’est l’histoire d’une famille israélite. Une famille composée du père : Elimélek, de la mère : Noémie, et des deux fils : Mahlon et Kilion. Cette famille quitte le pays d’Israël à cause de la famine, pour vivre mieux (c’est ce qu’ils souhaitent) dans le pays voisin de Moab. Mais les choses ne se passent pas très bien en Moab. Elimélek meurt (on ne sait pas de quoi).

Mais Mahlon et Kilion se marient (enfin une bonne nouvelle !). Mahlon épouse Ruth et Kilion, Orpa. Ces deux femmes sont moabites, c’est-à-dire : étrangères. Encore que cette histoire se passant en Moab, c’est plutôt Noémie et ses fils qui sont étrangers.

Puis Mahlon et Kilion meurent aussi (on ne sait toujours pas pourquoi). Noémie, Ruth et Orpa se retrouvent seules, sans mari et sans enfant.

Noémie décide de retourner en Israël. Elle a appris que la famine était finie. Elle essaie de convaincre ses belles-filles de rester en Moab, dans leur pays ; elles sont encore jeunes et trouveront sans doute à se remarier. Orpa se laisse convaincre, mais Ruth s’attache à sa belle-mère et part en Israël avec elle.

Noémie et Ruth se retrouvent en Israël. Comment vont-elles survivre ?

C’est la saison des moissons, et Ruth va glaner dans les champs, derrière les moissonneurs. (Nous arrivons au texte que nous avons lu). Elle glane dans le champ d’un dénommé Booz. Booz n’était pas tenu d’accepter que Ruth glane dans son champ, mais il voit d’un bon œil cette étrangère ramasser les épis tombés des gerbes de ses ouvriers. Il demande même à ces derniers de laisser (exprès !) quelques épis derrière eux pour Ruth.

C’est là que se situe l’épisode du casse-croûte.

Le casse-croûte aux champs.

Au milieu de la journée, le travail s’arrête et chacun sort sa musette. Mais Ruth reste à l’écart. Pourquoi ? Parce qu’elle ne connaît personne ? Il est vrai qu’elle est étrangère et qu’elle vient d’arriver dans ce pays. Parce qu’elle n’a rien à manger ? C’est possible ; et le texte semble aller dans ce sens.

Alors Booz invite Ruth à les rejoindre dans le groupe des moissonneurs. Et il le fait dans des termes particuliers. Il dit : Approche ici pour manger du pain et tremper ton morceau dans la vinaigrette (2, 14). C’est l’équivalent de l’expression connue par chez nous : Viens boire un coup avec nous ! C’est inviter le nouveau, l’inconnu, l’étranger à s’intégrer et à faire partie du groupe.

Ruth aurait pu refuser, et signifier par là :

   -   Qu’elle n’avait besoin de personne pour survivre.

   -   Qu’elle était fière d’être étrangère, différente, et qu’elle ne comptait pas changer en quoi que ce soit.

   -   Que son identité était préférable (à ses yeux) à toute autre.

   -   Qu’elle n’avait que faire de l’amitié qu’on lui proposait.

   -   Qu’elle préférait la solitude à la relation …

Mais Ruth est venue dans le groupe. Elle a accepté le pain qui lui était offert. Elle s’est intégrée dans un ensemble nouveau. Elle a accepté un nouveau peuple, une nouvelle culture, un nouveau Dieu et une nouvelle foi. Et, quelques temps plus tard, elle a accepté la main de Booz qui a voulu l’épouser.

Ce repas est une préfiguration du repas que Jésus a partagé avec les disciples.

Jésus partage la cène avec les disciples.

Ce repas est l’équivalent de la Pâque juive : une fête qui rappelle la libération de l’esclavage en Egypte. Libération grâce au sacrifice de l’agneau dont le sang est déposé sur les portes des maisons.

Jésus prend ce repas la veille de sa mort. Il est l’agneau de Dieu qui va donner sa vie.

Au cours de la cène, Jésus renouvelle le geste de Booz. Il tend le morceau trempé à Judas. Pourquoi Judas ? Parce que Judas menace de quitter le groupe des disciples pour suivre sa propre voie. Il considère qu’il a raison contre tous les autres ; que les autres sont nuls, qu’ils n’ont rien compris ; que ce Jésus manque d’envergure, qu’il faut le pousser un peu, qu’il faut l’amener à sauter le pas, à prendre le pouvoir, à montrer sa force, qu’il faut (en quelque sorte) être Seigneur à sa place.

En lui donnant le pain trempé, Jésus invite Judas à rester avec eux, à partager leur pain, à vivre la communion.

Il n’est pas dit dans quoi Jésus a trempé le pain qu’il a donné à Judas. Il devait bien y avoir quelque sauce sur la table ! Mais ce dont on est sûr, c’est qu’il y avait du vin ; et si c’est dans le vin que Jésus a trempé le pain, ce geste peut signifier le don de son corps par le sacrifice, et donc l’acceptation de la faiblesse jusqu’à la mort, par amour. C’est par amour que Jésus a trempé dans la condition humaine jusqu’à en mourir.

Il est dit que Judas a pris le pain trempé ; mais on ne sait pas s’il l‘a mangé. Quoi qu’il en soit, le geste n’a pas suffit à le faire changer d’idée. Il a peut-être même interprété le don de Jésus comme la possibilité de s’émanciper de son autorité. Il a persisté dans son idée de prendre les choses en main en trahissant Jésus. Car il a préféré son point de vue à la communion avec le Seigneur.

Comme tous les jours, Jésus se présente à nous aujourd’hui ; que ce soit monté sur un âne ou sous la forme du pain. Sa présence est toujours un appel. Un appel :

   -   A ne pas vivre seul.

   -   A accepter la communion avec lui et avec ses fidèles.

   -   A ne pas nous débattre dans une lutte perdue d’avance pour mériter ou obtenir un salut par nos propres forces.

   -   A vivre non par nous-mêmes, mais de sa vie.

Les enfants vont passer dans nos rangs pour nous distribuer du pain. Qu’en acceptant ce pain, nous répondions favorablement à cet appel de Dieu à la communion. Communion avec lui, et les uns avec les autres ; pour former un seul corps.